Cedric Burnside
Que dire de Cedric, que les habitués du festival connaissent déjà, sinon que c'est peut-être le plus grand bluesman de sa génération ?
Intelligent et intuitif, libre et précis, tant à la voix, à la guitare qu'à la batterie, il est capable aussi bien de la plus grande fidélité aux formes classiques que des réinterprétations les plus modernes, et les choix qu'il effectue dans cette large palette et rendent son set toujours imprévu, toujours renouvelé, ne sont jamais gratuits, mais au service d'une expressivité à la fois retenue et explicite.
Le Grammy* qu'il a échoué de peu à obtenir en 2018, nous savons qu'il le recevra bientôt.
(* Vainqueur de 3 Blues Music Awards consécutifs (meilleur batteur Blues) et nommé 2 fois aux Grammy’s Awards (2016 : Best Blues Album & 2019 : Best Traditional Blues Album).
Kenny Brown 's band
Kenny Brown est peut-être, en fait, trop connu comme le guitariste de RL Burnside.
Oui, c'est important, car il a appris beaucoup de lui, dans l'exigence d'autant plus grande de précision du riff qu'il est le plus élémentaire, par exemple. Ou dans la capacité de déconstruction, d'atomisation d'un morceau jusqu'à ce que seule la moelle en demeure. Mais cette réputation justifiée comme disciple ne devrait pas masquer que Kenny Brown a depuis toujours sa propre voix, sa propre personnalité, teintée d'une nuance de rock'n'roll, de phrasés parfois presque country. La sécheresse terre-à-terre de son « Frankie & Albert » ou de son « You Don't Know My Mind » est toute entière de son propre génie.
RL ne l'aurait jamais choisi comme guitariste, si ce n'était pas le cas.
Parrain du Blues Rules Crissier Festival, Kenny Brown organise chaque année le North Mississippi Hill Country Picnic, festival dédié au Blues de cette région.
The Como Mamas
L'indispensable moment gospel du festival,
avec cet irrésistible trio de Como, dans ces collines du nord-Mississippi dont viennent aussi les Burnside et Kimbrough. Un swing irrésistible, des placements de voix qui, forgés par des décennies de pratique dominicale, s'installent en harmonies, appels et réponds avec un naturel faussement facile.
Développé dans l'entre-soi du culte, jamais imaginé pouvoir s'adresser à un plus large public avant l'enregistrement sur place en 2006 par le label soul Daptone, le style des Como Mamas est à la fois moderne et indépendant des évolutions du gospel mainstream depuis les années 1960, une version rurale, épurée mais non appauvrie des dialogues entre lead et quartet du Golden Age of Gospel des années 1950.
Et toujours cette exubérance scénique propre au gospel le plus ressenti.
David Evans
Le professeur David Evans, de l'Université de Memphis, est le plus grand musicologue du blues du Mississippi vivant.
Capable d'identifier à l'oreille les filiations et le comté d'origine du plus obscur des bluesmen sur le plus craquant des 78t, on doit à ses enregistrements de terrain et ses analyses notre découverte du diddley-bow et de l'école de Bentonia, entre autres. On doit à ses enregistrements de studio des années 1980, et à son soutien en tournée, de connaître aujourd'hui RL Burnside et Robert Belfour, entre autres – on lui doit en fait tout le revival des années 1990.
Mais Uncle Dave Evans est aussi un musicien, depuis ses premières scènes des années 1960 avec Alan Wilson du futur Canned Heat, et son demi-siècle d'étude du blues passe lumineux et vivant de sa mémoire à ses doigts, de sa guitare à notre cœur.
Todd Albright
Effet de contraste, changement de son mais pas forcément de feeling, avec ce guitariste douze-cordes baryton aux grasseyements tout droit surgis des bluesmen canailles des années 1930.
Une compréhension intime de la virtuosité et de l'humour distancié des écoles de Brownsville et d'Atlanta – ardues et trop négligées de nos jours – restituée avec la spontanéité charnelle qui semble l'apanage des revivalistes de Detroit, sans rien de cette application compassée que risquent souvent ceux qui ont la témérité de s'attaquer à ces répertoires « classiques ». Aussi réjouissant aux tripes qu'à l'intellect le plus musicologique, encore un artiste trop méconnu malgré le soutien des radios et labels les plus hip du milieu roots américain - Third Man Records - label de Jack White.
A la question « As-tu déjà joué en Europe ou en Suisse ? », il nous a répondu « Ado, j'ai traversé la Suisse en train, un peu éméché, mais le spectacle que j'ai dû donner n'a rien à voir avec ce que vous allez voir sur scène ! ».
Montons dans le train !
Kent Burnside
Déjà découvert en 2014 par le public de Crissier, ce petit-fils de RL Burnside, comme son cousin Cedric et la plupart des bluesmen actuels du Mississippi, a un ancrage trop immédiat et trop profond dans l'ensemble des musiques afro-américaines pour pouvoir, ou vouloir, être un revivaliste – pas plus que ne l'était son très moderne grand-père.
Si le phrasé de la voix est avant tout blues, son placement lorgne souvent vers la soul ;
le groove, point fort évident de cet ancien bassiste, se fonde solidement sur les riffs nord-Mississippi de McDowell et Kimbrough, mais accepte les leçons occasionnelles du meilleur hip-hop – avec plus qu'un relent de Deep Funk succulent.
Johnie B. & Queen Iretta Sanders blues revue
Down to the Juke-Joint avec les débuts européens de ce couple, à la scène comme à la ville depuis les années 1980.
Issus des bars du West Side de Chicago, revivifiés par leur installation il y a trois ans dans le Mississippi, Johnie B. et Queen Iretta nous convient à une redécouverte poisseuse, faussement paresseuse, et plus originale qu'on pourrait s'y attendre des courants blues de Koko Taylor et de Buddy Guy.
Un très bel exemple de ces bluesmen et blueswomen qui, pris par leur famille et leur day job, n'ont pas tenté de faire carrière, et nous restent encore aujourd'hui à découvrir
– et surtout un superbe moment à chalouper nos hanches et nos cœurs en perspective.
Et pour cette première européenne, merci de les accueillir avec la même chaleur que celle qu’ils vous donneront sur scène !