Un retour aux racines
Si depuis 2010 le Blues Rules se targue de défendre le Blues du Nord du Mississippi, de son berceau originel, cette année il creuse encore plus en profondeur pour en extraire les racines fondatrices : le primitif Fife & Drum, le lien amérindien, son âge d’or populaire avec les Jug Bands, sa solide ascension avec l’ancien guitariste de légendes bleues, son ancrage traditionnel mississippien.
Et comme il ne faut pas faire mentir Willie Dixon qui déclarait « Blues is the root, the rest are the fruits », autour des racines évoquées ci-dessus, il n’y aura qu’à se baisser pour récolter et croquer à pleines oreilles dans ses délicieux fruits : du Zydeco, du rockabilly, du blunk (contraction de Blues et Punk), du Cajun, mais aussi ses extensions tintées d’Afrique ou d’Amérique centrale, de Malgache ou de l’Irlande profonde…
LES FRUITS
Vendredi 07 juin
Rene Miller (USA)
Le Winston Band (CA)
Un pied dans les bayous, l’autre dans la neige, le Winston Band fusionne sans effort les pôles opposés de la Franco-Amérique. Ça fait bien cinquante ans que le Québec, avec Zachary Richard entre autres, a redécouvert son vieux fond de répertoire commun, séparé pendant des siècles, avec la Louisiane, et il n’a pas lambiné à lui chaparder ses accents caraïbes et blues. Mais ces québécois-là réinventent cette fusion, la reprennent de ses éléments fondamentaux, pour un gumbo-poutine parfaitement réjouissant.
Ça coule comme le Mississippi, ça trépide comme un train intercontinental, juste le zydeco teinté de chanson et de reels qu’il faut pour démarrer l’après-midi au soleil. Avec bien sûr l’humour et la gouaille de rigueur chez les cousins québécois !
Gombo Chaoui (F)
Dirty Deep (F)
D’abord onemanband, duo, puis stabilisé en un trio machine de guerre, l’alsacien Dirty Deep s’est imposé comme l’un des principaux représentants européens du blues-rock au sens le plus large. D’abord émule du heavy punk-blues de Left Lane Cruiser et de l’écurie Alive Records, il s’en est progressivement démarqué pour imposer sa propre patte, mordante et martelante, parfumée de grunge et de stoner, avant de rebattre les cartes avec un album acoustique inattendu. Dans sa nouvelle sortie, le bien nommé Trompe l’Oeil, il décline, et assemble en un manifeste cohérent, une diversité étourdissante de styles issus du sud des Etats-Unis, de la ballade country old-school – yoddlée ! - au jam band et à l’attaque punk-blues, clignant de l’œil au passage au southern rock mélodique des Black Crowes.
On attend avec curiosité ce qu’il choisira pour nous dans sa set-list !
Samedi 08 juin
The Hillbilly Moon Explosion (CH)
L’élégance, la précision, la souplesse. Jamais enfermés dans leurs origines rockabilly, empruntant ici un riff au swing blues, là un tintinnabulement de guitare à la country, ailleurs un phrasé exotica ou lounge, voire calypso, les Zurichois ont édifié d’album en album, au long de plus de vingt-cinq ans de carrière, et de collaborations allant du psychobilly hardcore au posh parisien, un style rétro signature inimitable et complètement moderne, ancré sur la virtuosité vocale voilée d’Emanuela Hutter et des guitares ciselées – comme un grand barman mixologue invente un cocktail complètement neuf en piochant dans les spiritueux les plus traditionnels. Un americana d’évidence, que nous pourrions connaître depuis toujours, mais n’avons jamais entendu ailleurs. Et sur scène… ! La classe, le métier, et un plaisir de jouer qui n’a pas pris une ride.
Bob Log III (USA)
Il faut avoir vu Bob Log en concert. Le onemanband casqué, dont les fans les plus dévoués n’ont toujours pas vu le visage, a surgit comme une attaque martienne à la fin des années 1990 sur le label mississippien Fat Possum, et surtout sur des scènes mondiales ahuries. Depuis, il se rode, à plus d’une centaine de dates par an. Tous ceux qui ont croisé son itinérance vous parleront de son humour festif, confinant au happening surréaliste, qui l’entraîne à battre ses percussions des pieds spectatrices sur les genoux, ou à les remplacer (les percussions ! quoique…) par des ballons éclatés d’un coup de talon précis et parfaitement en rythme. Et pourquoi ce canard gonflable ? Ils vous diront la pulsation rythmique faussement sommaire, la virtuosité guitaristique – d’inspiration Fred McDowell pour le slide, Clarksdale jukejoint pour le « chicken scratch » - réprimée en primitivisme d’une modernité renvoyant la techno hardcore dans ses cordes, la progression inexorable des riffs vers une frénésie sans effort… Et ils auront échoué à rendre l’expérience.
Left Lane Cruiser (USA)
Quand Left Lane Cruiser, au milieu des années 2000, a émergé de Fort Wayne, au cœur de l’Amérique ouvrière de la Rust Belt, ce duo guitare batterie a, avec ses frères de tournées des Black Diamond Heavies, redéfini le punk-blues. Férocité, énergie, maîtrise exacte des breaks rythmiques et des progressions, leur relecture distordue du Hill Country Blues, les potards des amplis à 11, sonnait comme une machine-outil labourant un chant de coton, à mi-roues dans la glaise mais inexorable. Depuis, plus de 15 ans de cordes cassées, de peaux crevées et de doigts sanglants, des refontes du groupe, des vans de tournée, épuisés, à la casse, une douzaine de disques… Et une force, une authenticité inchangée, une légende confirmée. Un privilège pour nous de – presque – finir cette édition avec eux, et toute l’équipe sera avec vous devant la scène pour clore le festival.
Left Lane Cruiser avaient fait parti de la tournée Blues Rules 2013 (Crissier - Lausanne - Paris - Rome) aux côtés de Robert Belfour et Lightnin' Malcolm.
Jam Finale
On ne se quitte pas sans la jam finale traditionnelle, avec Well Well Well et tous les musiciens qui tiennent encore debout, moment d’incertitude et de magie où vous êtes témoins des retrouvailles des vieux copains, se croisant d’an en an au hasard des tournées, et des rencontres toutes fraîches, parfois fulgurantes, au backstage du Blues Rules, dans le creuset des complicités du noyau mississippien.