Au Blues Rules, on connaît bien la scène garage-blues-roots-rock genevoise, l’une des meilleures d’Europe : depuis la première édition, ils nous ont ramené en bons voisins une profusion de cadeaux éclectiques et délicieux, de l’internationalement réputé garage-cajun Mama Rosin à l’inattendu projet blues bosnien Sevdah Dragi Moj. Cette fois, Robin (alumni des deux groupes précédents, entre autres) et deux copains nous offrent leur coup de tonnerre de 2015, Duck Duck Grey Duck.
Quelle est la recette de ce canard, dont l’album d’arrivée (Here Come…) a été encensé par les grands médias culturels francophones (France-Culture, Télérama, Les Inrockuptibles…) comme par les petits indépendants rock (Gonzaï…) et blues (Sur la route 66…), sans qu’aucun (ni peut-être le groupe lui-même) ne sache vraiment dans quel genre le placer (et pourquoi) ?
D’abord, on l’a évoqué implicitement ci-dessus, c’est le fruit d’une expérience musicale profondément éclectique, qui au contraire de Mama Rosin ou de Sevdah Dragi Moj ou des Frères Souchet, n’était pas d’emblée mise au service d’un exercice de style, si personnels, libres et féconds qu’aient pu être ceux-ci. Non qu’il manque de direction ou d’unité, au contraire !
La direction, c’est d’abord une attitude, celle de musiciens, chacun devenu de son côté plus que rodé dans différents groupes, qui jouaient ensemble adolescents, avant toute carrière, et se retrouvent à nouveau. Duck Duck Grey Duck y puise un mélange rare et détonnant, complicité d’un groupe établi depuis toujours et fraîcheur d’un nouveau projet, compétence pro et spontanéité, presque innocence, d’une bande d’ados. Et ces qualités ne font pas que s’additionner, elles se renforcent mutuellement, avec le choix assumé d’une démarche jam-band à la North Mississippi Allstars, où c’est bien complicité et professionnalisme qui permettent et arment la spontanéité et la liberté de jeu.
D’où aussi le brouillage des genres d’où émerge l’unité du groupe : une oreille fondamentale forgée ensemble, qui rassemble sans effort les divergences des explorations individuelles ultérieures, blues, jazz, rock ou autre, sans les réduire.
Que peut-on lire de cette première oreille, telle que la maturité nous la livre ? Des traits fin 60’s début 70s, socle de la plupart de nos cultures musicales, ramenés à un son américain, plus Canned Heat que Rolling Stones, par une riche imprégnation sous-jacente de soul et de rythm’n’blues, des éléments évoquant le psychédélisme, mais plus parallèles que dérivés, fruits de la liberté sonore du format jam-band, l’efficacité du garage sans ses tics ou ses obsessions lo-fi.
Au final, Duck Duck Grey Duck réinvente le rock fondamental, parce que, comme les fondateurs du rock, ils ne sont pas (que) des rockers.
A découvrir vendredi 19 mai à 21h30 sur la scène du Blues Rules Crissier Festival 2017.
2 thoughts on “[BAND] Duck Duck Grey Duck (CH)”
Comments are closed.